Le Droit de Préemption Urbain (DPU) : Une Épée de Damoclès au-dessus des Marchands de Biens ?

Dans le dédale des transactions immobilières, le droit de préemption urbain se présente souvent comme un défi de taille pour les marchands de biens.

Véritable épée de Damoclès, ce droit peut, lorsqu’il est exercé par une commune, transformer une opération immobilière juteuse en un fiasco coûteux.

Pourtant, armé de connaissances précises et de stratégies adaptées, il est possible de tourner cette contrainte à son avantage.

Cet article propose de plonger au cœur de cette problématique, en offrant des conseils pratiques pour anticiper et, si possible, contourner efficacement le droit de préemption.

Pour le marchand de biens, c’est un enjeu stratégique qui peut vite être un gouffre financier.

Pour preuve, en 4 ans d’intervalle, un de mes clients s’est fait préempter 2 projets avec la fameuse DIA.

Et à chaque fois, il avait déjà engagé des frais pour monter ses opérations. Le tout en pure perte !

Comprendre le Droit de Préemption Urbain

Avant de dévoiler les stratégies d’anticipation, il convient de comprendre en quoi consiste le droit de préemption urbain.

En milieu urbain, ce droit permet à une commune de se porter acquéreur d’un bien immobilier en priorité, lorsqu’il est mis en vente, pour réaliser des projets d’intérêt général.

Bien que ce mécanisme vise à servir les intérêts collectifs, il peut représenter un obstacle majeur pour les marchands de biens qui y voient une limitation à leur liberté d’investir.

C’est quoi le DPU ?

Pour les néophytes, je rappelle que les acquisitions immobilières « en zone urbaine » sont soumises au DPU (droit de préemption urbain), voire au droit de préemption urbain renforcé.

Pour cela, trois conditions doivent être remplies :

  • Le conseil municipal doit avoir voté et validé l’application de ce droit et délimité la zone géographique concernée. C’est très souvent toutes les zones classées U (Urbaine) des PLU ;
  • Le conseil municipal doit avoir voté et validé l’objet de la préemption. Exemple : création d’une voie cyclable ;
  • Les biens concernés doivent être achevés depuis plus de 4 ans, et les lots de copropriété avec un règlement de copropriété de moins de 10 ans.

Pour précision, ce droit peut aussi être délégué au EPCI (établissement public de coopération intercommunale, comme aux métropoles telles que le Grand Paris ou de Lyon.

Attention : Il existe aussi le droit de préemption renforcé, toujours voté et validé en conseil municipal. Il concerne une zone géographique plus restreinte et touche tous les biens, même récents, et aussi les lots de copropriété avec un règlement de copropriété de moins de 10 ans.

La purge du droit de préemption urbain

Pour cela, en général, votre notaire envoie une DIA (déclaration d’intention d’aliéner) auprès de la mairie. Celle-ci a 2 mois pour répondre.

Ce délai peut éventuellement être suspendu pour demande de pièces complémentaires ou visite du bien. Cela peut repousser d’un mois le délai de réponse de la commune.

Si la réponse est négative, pas de souci, tout va bien. En revanche, si la réponse est positive, tout s’arrête.

En tant qu’acquéreur vous êtes totalement évincé de votre projet d’acquisition

Le vendeur aura alors le choix de vendre ou de ne pas vendre à la commune.

Pour ne pas en arriver là, voici 4 conseils pour éviter d’aller au krach.


1. La Réactivité avec la DIA : Une Arme Contre l’Incertain

Le premier conseil pour limiter les risques liés au droit de préemption urbain est d’agir avec réactivité dès la signature du compromis de vente.

L’envoi immédiat de la Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) par votre notaire est crucial.

Ce n’est d’ailleurs pas forcément lui qui fera la démarche, mais le notaire ayant enregistré l’avant-contrat d’acquisition, donc souvent le notaire du vendeur. Votre notaire interviendra auprès de ce dernier pour s’assurer de l’envoi.

Cette démarche permet de déclencher le délai de deux mois pendant lequel la mairie doit faire connaître sa décision.

Une gestion proactive de la DIA vous offre une visibilité plus rapide sur l’avenir de votre projet d’acquisition.

2. L’Analyse Préventive du PLU et l’Interaction avec l’Urbanisme

Sur sa première préemption, mon client, tout jeune marchand de biens, fait l’impasse de la consultation du PLU.

Son projet était très simple, il devait diviser un petit immeuble en plusieurs lots, sans dépôt de demande d’autorisation d’urbanisme.

Et là, je ne vais pas être tendre, mais je vais dire qu’il a eu à faire à un agent immobilier incompétent, et je vais rester gentil (mais il y en a aussi de très bons).

Après négociation du prix de vente par l’intermédiaire de l’agent immobilier, il signe le compromis de vente.

Dans la foulée, il fait passer le géomètre pour faire les relevés, le diagnostiqueur pour refaire les dossiers de diagnostics par lots et pour la copropriété.

Quinze jours après, il commence les visites pour les reventes.

Les notaires ont travaillé correctement et envoyé la DIA dès la signature du compromis.

Mais voilà, la commune avait prévu de réaménager le carrefour devant l’immeuble (inscrit sur les plans de dossier d’urbanisme).

Bilan : préemption !

Alors qu’il avait déjà des clients sur ces lots de copropriété et commencé à engager quelques milliers d’euros sur son projet !

Il retiendra deux leçons de cette expérience qui lui fait mal à sa trésorerie :

  • Ne pas faire confiance aux agents immobiliers. Un bon professionnel aurait vérifié le PLU avant de diffuser le mandat (ou alors il était de connivence avec le vendeur…)
  • Même s’il n’avait pas de demande d’autorisation d’urbanisme à déposer, il aurait dû vérifier le PLU.

C’est pourquoi la consultation de l’urbanisme est indispensable

La prise de connaissance minutieuse du Plan Local d’Urbanisme (PLU) constitue le deuxième point pour analyser le risque de préemption.

Le PLU recèle d’informations précieuses sur les projets de la municipalité pouvant influencer l’exercice du droit de préemption.

Le règlement et surtout les plans permettent de rechercher les éventuels projets tels que :

  • Élargissement d’une chaussée ;
  • Création d’un parking ;
  • Opération d’aménagement ;
  • etc.

La consultation des services d’urbanisme et plus particulièrement du service instructeur est indispensable pour avoir des précisions.

Non seulement vous aurez des informations précieuses pour un éventuel dépôt de dossier d’urbanisme, mais ils pourront aussi vous prévenir d’un risque de préemption.

Avec la connaissance des atteintes de la commune en matière d’aménagement public, ils vous informeront précisément si la parcelle que vous envisagez d’acquérir est concernée.

Se familiariser avec ces données et dialoguer avec les responsables d’urbanisme permet d’identifier une potentielle préemption et d’ajuster vos projets d’investissement en conséquence.

3. La Diplomatie avec les Responsables Politiques : Un Atout Non Négligeable

C’est le cas de la deuxième préemption de mon client !

La première préemption ayant servi de leçon, il prend ses précautions :

  • Consultation des pièces écrites du PLU (plans, règlement, etc.) : Pas d’obstacle
  • Devant aussi déposer un permis de construire, il prend rendez-vous avec l’adjoint délégué à l’urbanisme et le responsable du service. Aucune objection au projet.

Confiant, il met en route son projet : géomètre, architecte, etc.

Un mois et demi après l’envoi de la DIA, le notaire reçoit un courrier pour une demande de visite du bien de la part de la commune (un petit immeuble avec 4 lots).

Première alerte et bonne réaction, il suspend toutes les études en cours.

Trois semaines après la visite, son notaire l’appelle : Préemption pour création de logements sociaux !

C’était en effet une orientation de la nouvelle équipe à la tête de la commune, et plus particulièrement du nouveau maire.

Encore quelques milliers d’euros perdus, et un potentiel de marge qui s’envole !

L’importance des acteurs politiques

Le troisième conseil souligne l’importance des relations avec les acteurs politiques locaux.

Les décisions de préemption ne sont pas toujours directement liées aux indications du PLU, mais peuvent aussi découler des orientations politiques de la municipalité.

C’est notamment le cas pour le sujet sensible des logements sociaux, qui ne figurent sur aucune carte, puisqu’étant par définition étendus sur toute la commune.

Un dialogue ouvert avec les élus peut dévoiler des intentions non encore formalisées, vous donnant ainsi l’opportunité d’adapter ou de négocier vos projets immobiliers avant l’envoi de la DIA.

Une rencontre directement avec le maire, ou à défaut l’adjoint à l’urbanisme pour les grandes villes, est indispensable.

C’est même là que vous avez un atout à jouer : faire valoir votre action de marchand de biens, avec la création de nouveaux logements, la réhabilitation de l’ancien, etc.

Attention, ne prenez pas ce point à la légère.

Même des appartements seuls peuvent être préemptés pour du logement social.

Surtout dans les zones de droit de préemption urbain renforcé, si le service de la mairie détecte un prix de vente relativement bas, il peut faire jouer son droit afin de l’acquérir. Ensuite, il sera transmis à un organisme de logement social qui le rénovera avant de le louer.

A vous d’anticiper, de rencontrer les élus pour présenter votre action et préciser que ce bien va être remis en valeur pour accueillir un nouvel habitant.

Mais gardez toujours à l’esprit qu’avec les politiques, ce qui est blanc aujourd’hui peut être noir demain !

4. La Patience et la Prudence Financière pendant le Délai de Préemption

Finalement, adopter une posture de patience pendant les 60 jours de délai de préemption peut aussi être essentiel.

Cette période d’attente est propice à l’évaluation et à la préparation de vos projets sans engager des frais irrécupérables.

Une gestion prudente de vos ressources financières durant cette phase vous permet de minimiser les pertes en cas de préemption.


Conclusion : Transformer le Défi en Opportunité

Le droit de préemption urbain, bien qu’il représente un défi significatif, ne doit pas être perçu comme un obstacle insurmontable avec les bonnes pratiques.

En adoptant une démarche proactive, en s’armant d’une connaissance approfondie du cadre législatif et réglementaire, et en entretenant des relations constructives avec les acteurs locaux, les marchands de biens peuvent minimiser les risques de préemption. Mais ils peuvent également saisir des opportunités là où d’autres ne voient que des contraintes.

La clé réside dans l’anticipation, la préparation et la capacité à naviguer avec agilité dans le paysage urbain complexe.

Les enjeux sont considérables, mais les récompenses le sont tout autant pour ceux qui maîtrisent l’art de la négociation et de l’adaptation rapide.

Même si vous n’avez pas d’autorisation d’urbanisme à demander, je vous encourage à consulter le dossier du PLU, règlement et plans. Consulter les services de l’urbanisme. Echanger avec les élus décisionnaires.

L’immobilier est un domaine où l’information est reine.

En vous informant et en restant proactif, vous serez mieux équipé pour faire face aux défis et pour transformer les obstacles en tremplins vers le succès.

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