Comment faire une étude de marché en une demi-journée pour une opération de marchand de biens.

Comme le métier qui est souvent basé sur le feeling, j’entends régulièrement les marchands de biens faire des acquisitions par simple connaissance des prix du m² du marché.

Je vais me faire des ennemis, mais moi je dis que ça, c’était avant !

C’était facile avec des prix en constante augmentation et des acquéreurs à volonté.

Maintenant, c’est une tout autre histoire.

Les prix sont à la baisse (-6 % annoncé par Orpi pour septembre 2023) et ce n’est pas parti pour s’arranger.

Les taux d’intérêt sont toujours à la hausse, ce qui restreint tous les jours le nombre d’acquéreurs potentiels.

Alors ceux qui peuvent annoncer un prix de marché à la volée ont toutes les chances d’être à côté de la plaque dans quelques mois, et bien sûr dans le mauvais sens. Et encore faut-il arriver à revendre.

Je reprends le b.a.-ba, le marchand de biens est un commerçant, et comme tout commerçant, il achète et revend des biens.

Et il ne revend pas des milliers d’articles, mais juste quelques-uns par an de très forte valeur. S’il se trompe sur ses prix d’achat et de revente, en une ou deux opérations, il est bon pour le dépôt de bilan.

Regardez tous les géants de la distribution, vous croyez qu’ils lancent de nouveaux produits justes parce qu’il leurs plaisent ?

Bien sûr que non !

Avant d’engager une production, ils réalisent une étude de marché !

Oui, une véritable étude en se posant des dizaines de questions : Qu’est-ce qui se passe sur le marché ? Quelles sont les tendances ? Quelle est la cible de client potentiel ? Quel est le budget de cette cible ? Comment commercialiser ? Quelle est la concurrence ? …

Et c’est seulement après avoir répondu à toutes ces questions qu’ils mettent un produit sur le marché, et en vendent des milliers, voire des millions.

De même, la coiffeuse qui veut ouvrir son salon, quand elle va voir son banquier pour la financer, elle doit produire une étude de marché, avec le potentiel de clientèle ou encore la concurrence.

Mais revenons au sujet qui nous concerne. Pour sécuriser ses opérations, un marchand de biens doit agir de la même façon avant de se lancer dans une acquisition.

Certes, il ne va pas mobiliser un bureau d’étude ni embaucher une équipe marketing, mais il doit répondre à un minimum de questions pour valider son projet.

Vous avez besoin juste de quelques points en complément du traditionnel prix au m² pour cerner votre marché et proposer le bon produit au bon prix, et le vendre facilement.

Je vais vous fournir quelques éléments qui vous permettront à coup sûr de valider votre opération pour dégager de confortables bénéfices.

En quelques minutes, vous pourrez réaliser une étude de marché avec des données précises.

Et tout comme la pomme avec son dernier smartphone, vous mettrez tous les paramètres au vert pour réussir le lancement de votre opération et engranger des euros.

Mais attention !

Il faut être réaliste et ne pas chercher à se mentir à soi même.

Il faut mettre de côté tout coup de cœur et tout affect qui fausse complètement les données.

C’est souvent le point faible du marchand de biens qui développe un feeling avec le bien, le vendeur ou encore l’agent immobilier.

Mettez tout cela de côté pour faire votre étude sérieusement.

Avec internet, nous pouvons nous baser sur un grand nombre de données disponibles. Il faudra choisir les bonnes et ne pas prendre celles qui sont redondantes pour ne pas se disperser.

Et pour les plus sceptiques, je vous donne 3 raisons de faire cette étude de marché, même si vous n’avez qu’un bien à la revente :

  1. En ciblant les attentes de votre clientèle potentielle, vous serez certain de proposer un produit qui est attendu. Donc une revente rapide. Cela vous évitera de chercher à revendre des T5 dans un quartier étudiant. Faites plutôt des produits de collocation
  2. Le bon prix au m² pour la bonne clientèle, toujours pour revendre rapidement. Si votre projet se situe dans un quartier ouvrier, vous n’allez pas proposer des produits haut de gamme !
  3. Et si vous revendez vite, vous réduisez le portage. Et qui dit portage, dit intérêts. Avec des taux proches des 10 %, imaginez les bénéfices. 300 K€ emprunté à 10 %, c’est 2.500 € par mois d’intérêts ! (1,4 SMIC)

Validez impérativement vos projets en réalisant cette étude de marché. C’est une garantie de revente rapide et un portage minime de l’opération.

Le prix au m²

Ce n’est pas ce qui manque sur Internet et ce n’est pas là que je vais vous apporter une grosse valeur ajoutée.

Nous avons la chance aujourd’hui d’avoir accès à la base de données de l’état (DVF) qui répertorie toutes les ventes en France métropolitaine.

Enfin, presque toutes. Si vous êtes dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle, bien que Français, cette base n’existe pas et il faut faire avec un régime particulier dépendant du ministère de la Justice. Vous devrez donc être plus méticuleux pour analyser votre prix de revente.

De nombreux sites commerciaux, que je ne vais pas citer, vous proposent une estimation relativement juste en se servant de cette base DVF et de leurs données propres.

Je vous invite quand même à aller directement sur le site du gouvernement (https://app.dvf.etalab.gouv.fr/) pour avoir votre propre analyse.

Mais attention, il faut regarder 3 points en particulier pour rendre votre estimation le plus juste possible :

La surface par rapport au nombre de pièces

Que vous revendiez en appartement ou une maison, une surabondance de surface ne se valorise pas au même prix.

Exemple, vous avez un T3 qui mesure 85 m².

Seulement, la surface moyenne d’un T3 est généralement comprise entre 60 et 65 m². Inutile donc de valoriser les 20 m² de plus au même prix. Vous devez pondérer cette surface. Suivant l’aménagement, le coefficient à appliquer varie de 0,2 à 0,8.

À l’inverse, un studio de 12 m² se revendra beaucoup plus cher au m² qu’un studio de 18 m².

Rappelez-vous toujours d’une chose, vous devez vendre la bonne surface, au bon prix !

L’emplacement et l’exposition

Avec l’obligation de mixité sociale, les promoteurs intègrent dans leur programme des logements sociaux qui sont souvent revendus à des organismes agréés (pour ne pas dire HLM) qui les mettent en location.

Vous avez regardé les plans pour savoir où ils se situent ?

Bah, pas au dernier étage, pas en façade sud, pas avec la vue sur le lac…

Alors pour vos estimations, une base de données n’intègrera jamais tous les critères qui vont valoriser ou dévaloriser votre bien.

Alors je vous donne une méthode pour affiner votre étude : allez sur le terrain.

Oui, avec votre smartphone, repérez les biens vendus dans les environs du vôtre (avec la base DVF par exemple) et comparez avec votre projet.

Ce n’est pas une arme absolue, mais cela vous permettra de mieux comprendre les prix de revente des bases de données, surtout si vous n’avez pas une connaissance approfondie du secteur.

L’état du bien et l’année de construction

A moins d’aller visiter tous les biens vendus de votre secteur, et ça m’étonnerais que l’on vous laisse rentrer pour vos beaux yeux, vous ne pouvez pas connaitre dans quel état ils étaient lors de la vente.

Les bases de données ne l’intègrent pas non plus.

Et pourtant, cela va influencer énormément le prix de revente. Le T3 des années 70, dans son jus, sans isolation ni double vitrage, aura nettement moins de valeur que le même T3 complètement rénové.

C’est surement là l’exercice le plus dur pour le marchand de biens.

Si comme pour le point précédent, vous avez pu vous déplacer pour comparer les biens du secteur, ce sera un plus.

Vous pouvez aussi appliquer une autre règle des études : supprimer les extrêmes.

En ne tenant pas compte des reventes aux prix les plus bas, comme aux prix les plus hauts, vous gardez une moyenne plus réaliste dans votre estimation.

Pour étudier sereinement votre projet, vous devez mettre de côté votre affect sur les biens et vous devez aussi prêter une attention toute relative sur les annonces orales de votre entourage.

Ils reposent toujours sur du bouche-à-oreille, sur des connaissances, mais rarement sur des données enregistrées. Et comme tout un chacun de nous, on a tendance à embellir la réalité…

C’est aussi valable pour l’agent immobilier qui vous propose le bien.

Il a beau être très professionnel, très sérieux, son côté humain, et aussi son côté commercial, fera qu’il sera plutôt sur une surestimation involontaire de sa part.

Pour finir, il vous faudra intégrer un facteur très important actuellement : l’évolution des prix du marché.

Impossible de voir dans l’avenir, mais tous les acteurs du marché s’accordent à dire que les prix vont continuer de chuter.

Il peut avoir aussi des disparités importantes d’une région à une autre. Certaines villes comme Nice ou Marseille sont toujours à la hausse.

Nous pouvons garder en mémoire les années 2008/2009, avec des prix qui ont chuté de 10 % dans l’ancien. Il aura fallu trois ans avant un retour à la normale.

Alors, anticipez les prix de revente de votre projet en fonction du délai de réalisation.

Mais l’étude ne doit pas s’arrêter là.

Avoir un prix c’est bien, mais est-ce que le produit va se vendre ?


Les attentes du marché

Il y a une chose que les sites commerciaux ne vous disent pas, c’est la quantité et la répartition des ventes.

Pour cela, je vous invite à consulter le site des notaires qui répertorie toutes les ventes qu’ils enregistrent : https://immobilier.statistiques.notaires.fr/

Gratuit et très simple d’utilisation, il vous donne accès à des données essentielles pour connaitre le marché de l’immobilier dans le secteur qui vous intéresse.

Avec une simple recherche, vous trouverez aussi un prix moyen au m² comme sur beaucoup de sites, mais là il s’agit vraiment d’une moyenne constatée sur les ventes enregistrées. Pas un amalgame de prix avec les annonces ou prix de mandat.

Mais ce n’est pas là le plus intéressant.

Si vous regardez bien à gauche du prix moyen, vous avez aussi le nombre de ventes sur la période indiquée en dessous.

Mieux encore, en affinant votre recherche (+ de critères), vous pouvez préciser le type de bien recherché, et surtout le nombre de pièces.

C’est une donnée fondamentale pour savoir quelles sont les quantités de vente du produit que vous allez proposer, et à quel prix il se vend en moyenne.

Le site propose aussi une version payante pour avoir des chiffres détaillés. Pourquoi pas si vous avez un projet de nombreux lots à la vente. L’investissement est ridicule par rapport à l’engagement que vous allez prendre.

Cette statistique peut être intéressante pour connaitre les surfaces moyennes qui se vendent, ainsi que les prix au m² en fonction des surfaces.

Reste une donnée que vous ne trouverez pas.

Qu’elle est l’attente du marché ?

Avec les statistiques des notaires, vous pouvez quand même en déduire que les produits qui se vendent le plus correspondent forcément aux besoins des acquéreurs.

Une solution plus concrète repose sur les professionnels de l’immobilier. Soit en poussant les portes des agences, soit par des échanges sur les réseaux sociaux, vous chercherez à connaitre ce qu’attendent leurs clients.

Mais attention, tous les acquéreurs ne passent pas une agence. Je vais même être plus catégorique, 30 % des ventes se font entre particuliers.

Surtout chez les primo-accédants, pensant payer moins cher sans les frais d’agence (même si la commission est à la charge du vendeur, elle est forcément comprise dans le prix de vente).

Regardez bien votre marché local, voire ultralocal, pour identifier le profil de votre clientèle et répondre à son attente.

Vous avez identifié votre marché et connaissez les produits attendus, mais ce n’est pas fini.

Il faut maintenant savoir si votre produit peut se vendre.

Le stock disponible et la concurrence

Que vous soyez toiletteur pour chiens ou Danone, vous avez besoin de connaitre votre concurrence avant de vous installer ou de lancer votre produit.

Pour le marchand de biens, cela doit être la même chose !

Et cet exercice est relativement facile avec internet.

La première chose à faire, c’est de prendre un site de petites annonces ultra utilisé sur votre secteur, je vais dire par hasard leboncoin.fr.

Regardez dans la même typologie que les biens que vous allez vendre, combien d’annonces sont présentes. Faites-le pour chaque typologie de produits de votre projet.

Pensez à éliminer les annonces des promoteurs avec du neuf, qui ne sont pas comparables à vos biens.

Ne prenez bien que les annonces similaires. Exemple, vous allez mettre à la vente un T3, alors vous ne sélectionnez que les T3.

Et comparez avec la quantité de biens vendus trouvés sur le site des notaires.

Si le nombre d’annonces correspond à quelques mois de vente, pas de problème. Le stock tourne et il y a une clientèle.

A contrario, quand vous commencez à avoir plus de six mois de rotation du stock (quantité d’annonces / ventes mensuelles), alors il faut vous alerter.

Et si vous êtes au-delà de l’année de stock, on n’en parle même pas ! C’est qu’il y a très peu de demandes et vous risquez de vous retrouver avec un bien qui va mettre des mois et des mois pour partir.

Dans le domaine de l’immobilier, un marché actif ne doit pas dépasser cinq à six mois de stock.

Mais il ne faut pas s’arrêter là.

Vous devez trier les annonces par ordre croissant de prix et éplucher les annonces une à une. Ceci dans l’objectif de comparer les produits que vous allez mettre sur le marché avec les produits disponibles.

Le prix sera bien évidemment le premier critère, aussi bien au m² que global.

En effet, un acquéreur qui recherche un bien se base avant tout sur une typologie : T2, T3, etc. Après il dispose d’un budget global et va regarder ce qu’il peut s’offrir.

Il préférera surement prendre un plus petit logement pour le même prix, mais classé énergétiquement C ou D, plutôt qu’une grande passoire thermique.

A contrario, si vous avez une clientèle de bricoleurs, ou d’investisseurs, ils préféreront un grand logement, même mal classé énergétiquement, mais moins cher au m².

Ils feront des travaux eux-mêmes pour les premiers, ou par des artisans pour les seconds, en bénéficiant des aides d’état, et même en réalisant du déficit foncier s’ils font de la location.

D’où l’intérêt de mon deuxième point de connaitre votre typologie de client potentiel.

Regardez bien le placement de votre produit, si vous souhaitez le vendre rapidement, il devra être dans la fourchette basse de l’offre similaire.

Et ce n’est pas avec 3 m² de plus que vous ferez la différence, mais bien sur le prix global.

L’étude de marché, c’est le succès de votre opération

Qui dit succès, dit ventes rapides et marge préservée.

Vous pouvez enchainer les opérations à un rythme régulier sans trainer des stocks pendant des mois.

Mais le premier succès, c’est déjà de trouver un financement pour votre opération.

Mettez-vous à la place d’un banquier, qui voit arriver un dossier, certes, bien préparé économiquement (compte de résultat, plan de trésorerie), mais sans étude de marché.

Pour lui, vous lui demandez de plonger dans le vide !

Comment peut-il savoir que les produits que vous allez mettre à la vente sont au bon prix et qu’ils vont se vendre ?

Ce n’est pas à lui de rechercher les données sur le marché, même s’il dispose de bases de données, mais à vous à lui fournir toutes les informations, et pas que le prix au m².

Vous passerez ainsi pour un professionnel consciencieux, soucieux de réaliser une opération bien étudiée, avec un potentiel des débouchés.

Si votre étude est étayée, avec les éléments que je vous ai détaillés, vous obtiendrez beaucoup plus facilement un financement.

Et encore une fois, si vous avez bien cerné votre marché, que vos produits sont au bon prix, qu’ils correspondent à l’attente du marché, alors vous vendrez rapidement.

Donc marge préservée.

Donc emprunt remboursé rapidement.

Donc frais bancaires minimes et meilleure marge.

Et avec le marasme actuel dans le monde de l’immobilier, votre professionnalisme fera la différence.

Alors, agissez en véritable expert avec une étude de marché complète et étayée pour faire de bonnes opérations.

Sachez aussi renoncer, si l’étude de marché ne donne pas de déboucher pour vos produits.

A propos de l'auteur, Patrick Flacher

Patrick partage ses années d'expérience avec l'activité de marchand de biens depuis 2008. Sa maitrise du métier, du suivi des opérations, ainsi que la formation à la pratique de la profession, lui permettent de présenter de nombreuses astuces pour réussir.

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