Une belle opération de marchand de biens peut vite mal tourner…

Il ne faut jamais s’endormir sur ses lauriers, surtout quand on est marchand de biens, où chaque affaire est différente.

Je vais vous raconter l’opération de Paul, un marchand de biens installé depuis quelques années et qui enchaine les dossiers. Il en a fait son métier et il l’adore.

Il s’est spécialisé dans la réhabilitation de maisons et d’immeubles défraichis.

Hormis deux ou trois petits incidents, ses opérations se sont toujours bien déroulées et son mode opératoire est rôdé.

Oui, mais voilà, un simple gravillon peut vite compliquer les choses.

Une nouvelle affaire

Paul a fait une offre d’achat sur une maison composée de trois appartements dans une petite bourgade dynamique.

L’immeuble date des années 80 et n’a jamais fait l’objet de travaux de rénovation, si ce n’est le rafraichissement régulier des intérieurs.

Le couple propriétaire habite au 1er étage, et le rez-de-chaussée comporte deux appartements qui étaient loués antérieurement.

Prenant de l’âge, les vendeurs souhaitaient vendre pour s’installer dans un logement en ville. Aussi, après le départ des derniers locataires, les appartements n’ont pas été reloués.

Paul a vu une bonne opportunité avec un bâtiment énergivore à réhabiliter et la création d’une copropriété de trois lots principaux avec les logements.

Après une étude de marché, il constate une demande importante sur le secteur pour ce type de produit avec un prix au m² assez élevé. Mais à condition d’être réhabilité.

Paul est pragmatique. Il sait parfaitement que cette maison, si elle ne fait pas l’objet de travaux conséquents avec un volet performance énergétique, n’a pas une valorisation élevée.

Sa première offre d’achat, plus de 20 % en dessous du prix affiché, est bien entendu rejetée. Il rejettera aussi la contre-offre des propriétaires avec une baisse insignifiante.

Il restera ferme sur son prix.

Paul a déjà plusieurs opérations de ce type à son actif et connait bien le marché local.

Il maitrise le cout des travaux à engager pour avoir déjà réalisé différentes réhabilitations. Il fait appel depuis plusieurs années au même maitre d’œuvre pour la gestion de ses chantiers.

Il est donc serein sur son étude prévisionnelle et ne mettra pas un centime de plus dans son offre d’achat.

Il a parfaitement conscience que ce type de maison trouve difficilement un acquéreur, car trop grosse pour un particulier et aussi, trop de travaux lourds à prévoir.

L’avenir lui donnera raison.

7 mois plus tard, c’est le propriétaire qui le rappelle pour lui demander s’il était toujours acheteur.

Paul vient de finir une opération et il a de la trésorerie disponible.

Il refait une contre-visite de la maison et confirme son offre, avec les conditions suspensives qui vont bien, dont :

  • Dépôt d’une demande d’autorisation préalable à travaux pour la réfection des façades avec isolation extérieure, remplacement de la couverture du toit avec isolation et remplacement des huisseries extérieures.
  • Délivrance d’une non-opposition de la mairie, purgée de tout recours.
  • Obtention d’un prêt bancaire à hauteur du coût de la maison (il finance ses travaux avec sa trésorerie).
  • Régularisation de l’acte authentique à 7 mois.

C’est une opération traditionnelle pour Paul, qui lui permet d’engager sa précommercialisation rapidement et de préparer ses travaux avant de faire l’acquisition.

Le compromis de vente est signé

Paul commence l’organisation de son projet.

Il fait simple et ne veut s’occuper que des parties communes.

Les appartements étant corrects et dans les standards du marché, il préfère les revendre en l’état comme il l’a déjà fait sur ses opérations précédentes.

Pour faciliter les reventes, il demande à un architecte d’intérieur de lui faire des projections de plan en 3D des appartements avec une rénovation moderne. Il fera aussi établir des devis à une entreprise générale pour la réalisation de ces travaux.

Ainsi, les acquéreurs potentiels pourront avoir un projet avec un coût de travaux. Mais Paul ne prend aucun engagement de travaux dans les appartements.

Il fait passer son géomètre pour faire les relevés, puis demande à son architecte de déposer la demande d’autorisation préalable à travaux.

Bien organisé, dans le même temps, il demande à son maitre d’œuvre de préparer les descriptifs des travaux pour consulter les entreprises.

Deux mois et demi ont passé

Paul a reçu l’avis de non-opposition à travaux et l’a affiché sur le terrain.

Une agence immobilière commence à faire visiter les logements.

Elle présente le projet de réhabilitation des parties communes de Paul en mettant l’accent sur la rénovation énergétique.

Elle sait aussi qu’en montrant des vues 3D avec les devis pour un rafraîchissement éventuel des appartements, les clients potentiels se projettent mieux pour une acquisition.

Les devis des entreprises commencent à arriver pour les travaux des parties communes et tout se présente bien. Le budget est respecté.

Cinq mois ont passé

Paul a déjà signé deux compromis de revente avec des acquéreurs possédant un bon profil.

Avant la signature, l’agent immobilier a orienté les clients vers un courtier afin de confirmer la solidité financière des dossiers.

Paul a signé les marchés de travaux avec les artisans pour les parties communes de l’immeuble.

Le maitre d’œuvre à arrêter le planning d’exécution avec les entreprises, ce qui porte la réception du chantier à 3 mois et demi après l’acquisition de la maison.

Paul aura donc a porter le projet sur une période d’environ 4 mois, ce qui est dans ses habitudes.

Il prépare donc son dossier pour aller consulter ses partenaires bancaires habituels.

Quinze jours avant l’acquisition

Les clients des deux premiers compromis ont reçu leur offre de prêt et Paul a obtenu son financement bancaire.

Les artisans sont prêts pour démarrer les travaux. Le menuisier passe la commande des huisseries extérieures après avoir reçu l’acompte de 50 % versé par Paul.

Paul paye les acomptes à toutes les entreprises pour que les travaux puissent démarrer le lendemain de l’acquisition.

Tout va bien, même très bien.

Paul est super content, car en plus il vient juste de signer le compromis du dernier appartement avec des acquéreurs qui payent sans recours à un emprunt.

Et comme les évènements s’enchainent, il a aussi la confirmation d’une acceptation sur une offre d’achat qu’il a fait pour un nouveau projet du même type, mais deux fois plus gros.


L’acquisition du bien

La veille du rendez-vous, Paul reçoit un appel de son notaire, qui lui dit avoir un problème et ne pas pouvoir signer la vente comme prévu le lendemain.

Après un vif échange, il lui avoue que le Clerc a oublié d’envoyer la DIA (Déclaration d’intention d’aliéner pour le droit de préemption urbain).

Paul est en colère, surtout qu’il vient de signer le compromis de vente pour sa nouvelle affaire qui doit se financer avec l’achèvement de celle-ci.

Pour une simple étourderie administrative, il perd jusqu’à deux mois, le temps d’instruction maximum légal par la mairie.

Tout de suite, il prévient le maitre d’œuvre que les travaux ne pourront pas commencer comme prévu et qu’il faut reporter l’ouverture du chantier.

Et comme quand les problèmes commencent, ils ne vont jamais seuls.

L’artisan charpentier est en colère, car il avait intercalé son intervention avant un gros chantier en déplacement. En plus, devant commencer les travaux la semaine suivante, il a déjà reçu une partie des matériaux.

C’est la première fois que Paul travaille avec lui, car il était moins cher que son charpentier habituel.

Il est ferme, il ne sera pas disponible avant 3 mois.

Le maitre d’œuvre s’arrache les cheveux pour recaler les interventions de l’ensemble des artisans.

Si les travaux commencent dans 2 mois, il faudra compter 4 mois de chantier.

Soit plus de deux mois de retard pour les acquéreurs.

En toute transparence, Paul les appelle pour leur expliquer la situation.

Il commence par le dernier compromis signé et précise en toute honnêteté la situation.

Et c’est encore une claque.

Le délai de rétractation prévu par la Loi SRU, venant à échéance le jour même, les acquéreurs décident de renoncer à leur acquisition.

Paul se dit que l’honnêteté ne paye pas.

Mais pour rester positif, ce n’est pas si grave et il va pouvoir remettre l’appartement à la vente tout de suite. Avec les délais, il devrait pouvoir signer l’acte authentique juste à la fin des travaux.

Après avoir soufflé un peu, il appelle le premier acquéreur et lui annonce deux mois de retard pour les travaux.

Travaillant dans le domaine du BTP, la personne est très compréhensive et cela ne changera pas son projet. Il remercie Paul de son honnêteté et va contacter sa banque pour prolonger leur offre de prêt.

Paul retrouve un peu le sourire et appelle le dernier acquéreur.

L’accueil est froid.

Il ne comprend pas que l’on puisse décaler une date de signature. La réalisation des travaux n’est pas son problème. Il a acheté un bien avec un engagement de réalisation à une date donnée.

Il dit sèchement qu’il ne veut pas que la date de signature soit décalée, et que Paul n’a qu’à se débrouiller avec son propre notaire et ses entreprises. Discussion close.

Paul recevra 5 jours plus tard un courrier recommandé de l’avocat-conseil de l’acquéreur lui signifiant qu’il s’est engagé sur une date de réitération. L’oubli de la purge du droit de préemption par son notaire n’est pas un cas de force majeur. Il prend acte de régularisation à la date prévue.

Paul est un battant.

Il encaisse ces évènements et se dit que ce n’est qu’un contretemps.

Son dernier client le menace comme beaucoup savent le faire, mais que de là à entreprendre une procédure judiciaire, il y a un grand pas.

Et puis même, avec son notaire, Paul a été précautionneux et a prévu une clause suspensive pour la réalisation des travaux.

Il se dit qu’au pire il perdra la vente si les travaux ne sont pas réalisés dans le délai prévu.

Un mois après

Le notaire de Paul lui confirme avoir reçu la non-préemption de la mairie pour son opération et que l’acquisition peut se signer.

Ce qui se fera dix jours plus tard.

Mais cela ne changera rien pour le démarrage du chantier et pour le déroulement des travaux, à cause du charpentier.

Le dernier appartement a trouvé un nouvel acquéreur et le compromis est signé avec une date de réitération suffisamment large pour achever le chantier.

Le notaire de Paul a même fait signer un avenant au compromis pour le premier acquéreur pour décaler la date de réitération. La vente est sécurisée.

Quant au deuxième acquéreur, plus de contact et son notaire maintien la date de signature initiale.

Reste le nouveau projet pour lequel Paul s’est engagé. La trésorerie va manquer…

Deux mois après

Le maitre d’œuvre ouvre le chantier et les travaux commencent.

Plusieurs artisans interviennent, dont le menuisier qui dépose toutes les huisseries extérieures avant de pouvoir poser les nouvelles, prévu en livraison.

Le façadier doit intervenir juste après pour appliquer l’isolation extérieure.

Le lendemain, une équipe commence la pose des fenêtres.

Mais dès la première fenêtre, l’huisserie portant le bon numéro de repère ne rentre pas dans l’ouverture !

Le menuisier se dit qu’il devait s’agir d’une mauvaise numérotation des ouvertures. Mais il ne trouve pas de correspondance dans les pièces livrées. Il les mesure toutes.

Après une demi-journée de contrôle, il se rend à l’évidence. Toutes les huisseries sont trop grandes d’environ 6 cm.

Après avoir appelé le fournisseur, il s’avère qu’il y a eu une mauvaise interprétation entre le menuisier et l’usine. Il y a eu un quiproquo sur le type de pose en rénovation.

Malgré les efforts du menuisier pour trouver des solutions, toute la marchandise est perdue et il faut six semaines pour une nouvelle livraison.

C’est une perte sèche pour lui, mais il assume son erreur.

Par contre, c’est de nouveau le maitre d’œuvre et Paul qui s’arrachent les cheveux pour réorganiser le chantier avec ce nouveau retard.

Paul a quand même une bonne étoile avec lui.

Les artisans connaissant Paul depuis plusieurs chantiers, ils n’ont pas hésité à renforcer leur effectif le moment venu.

Le maitre d’œuvre connaissant parfaitement son travail a trouvé des solutions pour avancer et respecter la date de livraison.

Peut-être aussi grâce au charpentier qui a fait allonger le temps de chantier…

Les semaines passent

La date de réitération initialement prévue est échue et bien évidemment le deuxième acquéreur n’a pu régulariser son acquisition.

Paul recevra un courrier recommandé quelques jours plus tard, lui signifiant, constat d’huissier à l’appui que les travaux prévus en conditions suspensives n’ont pas été réalisés, et que la vente tombe. Avec une demande de dédommagement bien sûr !

C’est un soulagement pour Paul.

Il sait qu’il est dans son bon droit et que la condition suspensive fait tomber le compromis, sans qu’il soit besoin de verser des indemnités.

Il se dit que de toute façon, avec un client compliqué comme celui-là, les problèmes ne s’arrêtent pas sur un point, mais se poursuivent après la signature.

Il confirme à son notaire l’abandon de la vente et remet de suite l’appartement à la commercialisation.

Pour son nouveau projet, Paul a trouvé plusieurs personnes prêtes à investir financièrement sur l’opération en question.

Paul prépare le montage d’une société dédiée pour cette opération, en intégrant les investisseurs dans le capital.

Six mois après l’acquisition de l’immeuble

Le chantier a été fini avec une petite semaine de retard. Rien qui pénalise la livraison des clients.

Les deux compromis sont régularisés par acte authentique dans la foulée et les clés des appartements sont remises aux clients.

Quand au dernier appartement, l’agent immobilier a trouvé un nouvel acquéreur, le compromis a été signé. Paul attend impatiemment l’accord de financement de la banque.

Clôture de l’opération, huit mois plus tard

Près de 8 mois après l’acquisition de l’immeuble, le dernier acte authentique est régularisé et Paul peut clôturer son opération.

Les artisans ont effectué la reprise des réserves de livraison et les clients sont satisfaits de leur achat.

Paul finit de gérer son administratif et procède à la clôture de son prêt bancaire.

Il fait le bilan de l’opération avec son comptable et s’en sort sans trop de différence avec son prévisionnel, si ce n’est une grosse perte de temps.

L’opération suivante est en cours après l’acquisition de l’immeuble avec une société dédiée.

Mais il a changé de montage, et va réaliser le dossier sous le régime de la VIR.


Paul a tiré 5 grandes leçons de cette expérience

Il suit de près son notaire.

Il s’assure que toutes les démarches administratives soient bien réalisées en temps et en heure : DIA, hypothèque, attestation d’urbanisme, purge SRU, etc.

Et cela vaut aussi bien pour son acquisition que pour ces reventes.

Il prévoit des délais de livraison plus larges

Pour sécuriser la date de livraison, il prendra une marge supplémentaire pour ne pas décevoir ses clients et supporter le stress de leurs réprobations.

Et si le chantier est livré plus tôt, les clients ne pourront qu’être plus heureux.

Pour la réalisation des travaux, il faut savoir bien s’entourer.

Que ce soit le maitre d’œuvre ou les artisans, Paul se dit que la confiance est primordiale.

C’est ce qui a permis de tenir le projet et livrer un chantier dans un délai raisonnable malgré les difficultés rencontrées.

Il s’est promis de maintenir ce cap et de ne pas chercher à tirer les prix ou à mettre la pression financière sur son maitre d’œuvre et les artisans. La confiance à un coût.

Pour ne pas fragiliser sa trésorerie, il fera ses opérations sous le régime de la VIR.

Le doublement du temps de portage de l’opération lui a couté plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Ce n’est pas le coût du crédit sur 4 mois de plus qui est le plus important, même si c’est quelques milliers d’euros.

Non, ce qui lui coûte le plus, c’est qu’il a été obligé de s’associer avec des investisseurs sur l’opération suivante, et forcément, il a dû partager sa marge…

Alors qu’avec le régime de la VIR, il pourra passer ses reventes dès sa propre acquisition et encaisser de suite la vente de l’existant. Les travaux s’autofinances ensuite.

Et si le chantier a du retard, plus de condition suspensive des acquéreurs pour annuler leur vente !

Il ne s’associera plus pour les opérations suivantes

Le coût de l’association est beaucoup trop important. Il doit prendre en compte la création et la gestion de la société dédiée, la rémunération des comptes courants associés, et le partage des bénéfices. En plus, il faut rajouter le reporting des actionnaires…

Avec la mise en place de la VIR, il se libère de la trésorerie et pourra continuer à enchainer sereinement ces opérations.

Il a aussi vu que ce type de dossier pouvait se financer avec du crowdfunding.


La morale de cette histoire ?

Même avec une bonne expérience, le métier de marchand de biens apporte régulièrement son lot d’impondérable.

Ce qui fait la force d’un véritable professionnel, c’est de savoir réagir. Je pense que c’est d’autant plus vrai pour la profession de marchand de biens.

Et à chaque difficulté rencontrée, il faut savoir se remettre en question et en tirer les leçons pour s’améliorer, comme l’a fait Paul.

Aucune école n’enseigne ce métier qui est tellement vaste et couvre tellement de domaines, que même l’expérience ne permet pas de le connaitre entièrement.

Je rajouterais aussi, sans être paranoïaque, qu’il faut tout contrôler durant tout le processus d’une opération. Ne faire confiance aveuglément à personne.

La moindre petite erreur peut avoir des conséquences importantes sur un projet, comme l’a vécu Paul avec l’oubli du clerc de notaire !

La morale de cette morale

Deux têtes valent mieux qu’une !

Pourquoi ne pas faire appel à un coaching pour vous épauler dans vos opérations de marchand de biens ?

P.S. Et si Paul ne s’appelait pas Paul, mais… Et si ces évènements n’étaient pas issus de deux opérations différentes… L’histoire serait surement vraie…

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